A l’origine, cet article était une introduction pour un autre article du blog. Mais ce sujet revenant souvent dans les discussions, je me suis dit qu’il méritait bien un développement plus important et donc un article à lui tout seul. Il fait désormais partie d'une série de 3 articles sur la batterie et la lecture de notes, les 2 autres étant : Les partitions du batteur et Faut-il lire la musique pour apprendre la batterie ? (à paraître).
Lorsque je range mon matériel après un concert, il arrive souvent que quelqu'un vienne me voir et me pose cette question : « Dites-moi, très cher, auriez-vous l’extrême amabilité d’éclairer ma lanterne : comment faites-vous pour jouer sans partition ? Comment est-ce possible d'avoir en mémoire toute ces notes que vous jouez ? ».
...Ça, c’est si j’ai fait le concert sans partition et que la personne qui me pose la question porte un pantalon en tweed, des chaussettes burlington et des mocassins à pompons.
Pour les concerts où j’utilise des partitions, une scène similaire, avec une question légèrement différente : « Dis-donc, mon p’tit pote, file-moi un tuyau, pass’que je m’demande depuis belle lurette : y’a quoi sur ta partoche ? Il a aussi des notes de musique à lire, le batteur ? C'est obligé de lire la musique pour jouer d'la batterie ? ».
...Bon, dans cet exemple, la personne ne porte pas de tweed ni de mocassins et encore moins des pompons.
La présence ou l’absence de partition peut s’expliquer selon 3 critères que je vais détailler dans cet article :
1 - Le genre musical / Le type de formation
2 – L’origine de ce qu’on joue
3 – La préparation du concert (les répétitions)
1 - Le genre musical / Le type de formation
Dans la plupart des concerts, il est rare de voir un pupitre à côté de la batterie (d’ailleurs, si on y réfléchit, c’est la même chose pour les autres instruments). Là, je parle de concerts de chanson, de rock, de pop, de blues ou de jazz en petite formation.
C’est un peu différent dans d’autres contextes : avec les grands orchestres de jazz (big band) ou les orchestres de bal qui animent des soirées en jouant 4 ou 5 heures d’affilée, vous verrez probablement des pupitres. Mais le batteur ne lit pas tout ce qu’il joue ; tout au plus le verrez-vous y jeter un œil de temps en temps (pour plus d’explication à ce sujet, lisez Les partitions du batteur).
Bon, voilà pour le contexte musical. Mais ça ne nous explique pas la raison de la présence ou de l’absence de partition. Alors...
--> Pourquoi la partition est-elle utile dans certains cas et inutile dans d’autres ?
2 - L’origine de la musique que l’on doit jouer
Pour bien comprendre, commençons par rappeler les principales missions du batteur :
faire tourner très vite ses baguettes entre ses doigts pour attirer l’attention sur lui (c'est le plus important, nous sommes bien d'accord) :D
maintenir la pulsation / le tempo
ponctuer la musique : créer / souligner les transitions
mettre en valeur la structure d’un morceau (intro, couplets, refrains, pont, etc.) en créant un accompagnement en accord avec cette structure
participer à l’orchestration de la rythmique : choix des sonorités, des rythmes, des nuances ; équilibre sonore…
Intéressons-nous de plus près aux 3 derniers points soulignés ci-dessus. Ces trois missions peuvent avoir des origines différentes.
Elles peuvent être :
imposées au batteur par avance par un compositeur, un arrangeur, un dictateur...
--> présence d’une partition.
ou
ne pas être définies à l’avance. Dans ce cas, la créativité du batteur sera mise à contribution
--> pas besoin de partition.
Il existe encore un autre paramètre qui influe sur la présence ou non de partitions...
3 - La préparation du concert
--> combien de temps ? combien de répétitions ?
Voici deux cas de figure. Dans le premier, vous verrez que la partition se révèle inutile alors que dans le deuxième, elle est tout simplement indispensable.
1er cas de figure :
Le batteur est dans un groupe "fixe" qui répète régulièrement, semaine après semaine, avec comme il se doit, des pauses café-clope (répètes du matin) ou bière-cacahuètes (répètes du soir). Le programme se monte sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois (tout dépend de la durée des pauses évoquées juste avant), avec des morceaux répétés, re-répétés et re-re-répétés. Le programme, aussi long soit-il, peut alors se mémoriser entièrement, un peu comme des comédiens avec une pièce de théâtre : pas de partition le jour du concert. Juste une ‘setlist’ rappelant l’ordre des morceaux à jouer, sur une feuille discrètement posée par terre.
2ème cas de figure :
Coup de téléphone, un mercredi soir :
- « Hey, salut Benoit, comment vas-tu depuis... tout ce temps ? (petit rire nerveux) Avec mon groupe, on doit faire un concert dans trois jours, faut surtout pas qu’on se rate sur ce coup-là, y’aura Rick Rubin (1) dans la salle. Mais figure-toi qu’il nous arrive un truc de dingue : notre batteur s’est pété un ongle, il ne veut plus jouer. Y’a une répète prévue demain entre 12h et 13h pendant la pause déjeuner du bassiste, puis on prendra ta voiture pour les 5 heures de route parce qu’elle est grande et confortable. T'inquiète pas, y’aura un catering (2) sur place, tu pourras t'envoyer autant de Kinder Bueno que tu veux. La classe, non ?…. Te sens pas obligé d’accepter mais si on ne fait pas ce gig, le groupe splitte.
- Bon... je vais réfléchir un peu. Et au fait, c'est payé combien ?
- .......euh... Ouais, bon, tu me rappelles quand tu as décidé de dire 'oui'. Ciao ! »
Dans ce cas, quelques partitions seront les bienvenues… ainsi qu’une très, très grosse envie de jouer !
Voilà, vous en savez maintenant un peu plus sur les raisons qui font qu'il y a ou non des partitions pendant un concert.
Si vous vous posiez la question, peut-être était-ce pour vous-même. Vous n'en êtes peut-être pas encore à vous produire en concert, mais un jour prochain, sûrement... Seulement voilà, avant vos premières prestations scéniques, il va falloir étudier.
...
Alors pour votre apprentissage : partition ou pas partition ?
Pour le savoir, lisez cet autre article du guide : « Faut-il lire la musique pour apprendre la batterie ? » (à paraître)
Les illustrations de cette page sont d'Albert, un dessinateur qui illustrait les articles des premiers numéros la revue "Batteur Magazine" - revue à laquelle je me suis très vite abonné - dans les années 80. Le tout premier numéro de ce magazine est paru exactement au moment où j'ai débuté mon apprentissage de la batterie, en septembre 1986 ! Le magazine existe encore aujourd'hui, vous pouvez vous le procurer dans les bonnes librairies ou par abonnement.
Un grand merci à Albert pour ses supers dessins.
(1) Rick Rubin : producteur / réalisateur artistique de renommée mondiale. A son crédit : Red Hot Chili Peppers, System Of A Down, AC/DC, Eminem, Imagine Dragons, ZZ Top, Shakira, et tant d'autres... (retour)
(2) Catering : espace où l'on met à disposition des artistes et techniciens de quoi grignoter et boire avant et après le spectacle. (retour)
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